Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/462

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jours à la même place ; personne ne s’y est encore assis. Tout languit en vous attendant… Allons, vite !

Cécile lui résista et ne voulut pas le suivre dans la direction où il cherchait à l’entraîner.

— Que signifie cela, Cécile ? demander Barthélemy. Ne voulez-vous pas venir chez nous ?

— Je vais à la ville, répondit-elle ; j’y ai une cousine qui est couturière et qui me donnera de l’ouvrage pour que je puisse gagner mon pain.

— Votre pain ? de l’ouvrage ? Oh ! que veut dire cela ? s’écria Barthélemy. Maintenant que je puis vous voir, lire dans vos yeux, entendre votre voix, maintenant mon courage va se doubler… et, dussé-je travailler comme quatre, nous vivrons dans l’abondance. Venez, oh ! venez !

— Pour l’amour de Dieu, Barthélemy, ne me demandez pas cela, c’est impossible, dit la jeune fille en poussant un profond soupir.

Le jeune homme interrogea, les yeux de Cécile avec une triste surprise.

— Soyez-en sûr, mon cher Barthélemy, reprit-elle, c’est impossible.

Comme si une révolution se fût faite dans l’âme du jeune homme, il laissa tomber avec découragement sa tête sur sa poitrine, et dit du ton d’une morne résignation :

— La joie égarait mon esprit malade ; je l’avais oublié !… Vous avez raison, Cécile, je suis un pauvre paysan ; vous serez un jour une riche demoiselle… Il ne me reste qu’à mourir !