Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/463

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Ces derniers mots furent prononcés d’un ton si navrant, qu’ils allèrent droit au cœur de Cécile et vainquirent sa virginale retenue. Elle saisit la main du jeune homme, la serra dans les siennes, et répondit d’une voix pleine de tendresse :

— Barthélemy, mon ami, vous vous trompez : ce n’est pas cela. Mon oncle m’a déshéritée ; il a fait un testament par lequel il donne tout ce qu’il possède à Mathias ; je ne posséderai jamais rien au monde.

Le jeune paysan releva la tête, et regarda Cécile avec incrédulité tandis qu’un sourire se dessinait sur ses lèvres.

— Oui, oui, croyez-moi, Barthélemy, reprit la jeune fille, je suis pauvre maintenant, pauvre comme vous.

— Pauvre comme moi ? dit le jeune homme avec une joie folle sur le visage, pauvre comme ma mère, comme ma sœur ! Dieu, quel bonheur ! Eh bien, laissez à ce méchant son argent ; je vous donnerai la richesse, moi, Cécile ; je vous donnerai des trésors d’amitié, d’affection, d’amour. Venez, venez !

Il prit de nouveau la main de la jeune fille et voulut l’entraîner en avant, mais elle reprit d’un ton triste :

— Non, Barthélemy, cela ne se peut pas.

— Mais pourquoi donc, Seigneur Dieu ?

Le rouge de la pudeur monta au front de Cécile, qui répliqua en baissant les yeux :

— La veuve de Jean le maçon ne vous a-t-elle rien dit hier après midi ?

— Ah ! s’écria Barthélemy, elle disait donc vrai ! Je n’osais y croire.