Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/472

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C’était au milieu de la semaine, de bon matin.

Mathias était assis près de l’âtre où brûlait un assez bon feu. Il tenait avec les pincettes un morceau de viande au-dessus des braises, pour le rôtir, et le trempait de temps en temps dans une assiette où se trouvait du beurre fondu. À côté du foyer, dans la cendre brûlante, fumait un pot de grès.

Lorsque la viande fut rôtie convenablement, Mathias la mit sur la table, et la dévora avec le sourire de la gourmandise satisfaite. Il enferma l’assiette et le pain dans l’armoire, s’essuya la bouche avec soin, et revint s’asseoir auprès du feu.

Il tira avec les pincettes quelques herbes du pot bouillant, les y laissa retomber et se dit à lui-même :

— Il a bonne mine le ragoût de l’oncle Jean. Et il s’imagine que cela va le guérir… Comme si l’estomac se laissait tromper aussi facilement que le premier imbécile venu ! Quel âne que celui qui a écrit le livre où il va chercher pareille cuisine ! De la chicorée et du cresson d’eau pour faire pousser de la jeune chair sur de vieux os ! Et il faudrait que j’allasse chercher du cresson, — cela suffirait pour attirer l’attention des voisins… Bah ! j’ai mis là-dedans deux poignées de cochléaria ; cela est bon pour le scorbut. Ladre jusque sur le lit de mort ! Mais que m’importe ? je ne suis pas ici pour le contrecarrer… Il veut essayer de vivre sans manger ; eh bien, plus tôt il y sera accoutumé et mieux ce sera. Je croyais d’abord qu’il n’aurait pas traîné aussi longtemps ; mais il a la vie dure comme un chat…

Il demeura un instant à regarder fixement le feu, et