Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/473

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s’enfonça dans ses réflexions. Pendant cette méditation, son visage prit peu à peu une expression sérieuse… Bientôt il murmura :

— Oui, il a la vie aussi dure qu’un chat. Qui sait combien de temps cette vieille lampe peut encore brûler ! Et moi, je suis ici comme un sot : je vends la peau de l’ours avant qu’il soit à bas… Ce matin, le fermier Claes m’a dit qu’au conseil de fabrique, le bourgmestre et le curé lui ont demandé des nouvelles de l’oncle Jean… Et cette vilaine femme qui va bavarder partout, exciter le monde contre moi… Elle seule est cause de la haine des paysans pour moi. Ce matin, je n’avais pas fait vingt pas dehors pour aller chercher de la chicorée dans la prairie qu’elle était à m’espionner à travers les buissons. Je ne sais, mais je crois que cette mendiante me jouera un mauvais tour… Si le bourgmestre et le curé venaient ici et prétendaient voir l’oncle Jean ! J’ai un testament qui me fait légataire universel, c’est connu de tout le monde ; mais qui sait ce qu’ils diraient à l’oncle Jean ? Le curé surtout pourrait lui mettre autre chose en tête !…

Cette pensée le fit frissonner. Il garda un instant le silence, la main sur le front, après quoi il reprit :

— Coûte que coûte, il faut que personne ne l’approche ! Il commence déjà à avoir des idées si singulières sur ce qu’il a fait, et puis il parle sans cesse de Cécile. Il ne faudrait pas grand’chose pour faire changer d’avis ce vieux fou. Que faire ? faire taire les voisins, — mais comment ? C’est parce que je suis si seul avec l’oncle Jean que cela leur inspire de la méfiance. Si Cécile était