Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/474

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encore ici, on ne s’inquiéterait pas tant de ce que devient le vieux ladre ; mais je ne suis pas si sot que d’enfermer le chat dans l’armoire pour garder la viande ! Et cependant le seul moyen de tranquilliser le curé, le bourgmestre et tous ces brouillons qui se mêlent de tout ce qui ne les regarde pas, serait de prendre quelqu’un dans la maison, en apparence pour faire les commissions, mais qui cependant ne verrait pas l’oncle Jean. De deux maux il faut choisir le moindre ! Et puis qui ? qui prendre dans la maison ?

Il se mit à songer, hochant la tête d’un air mécontent ; enfin, au bout d’un moment de réflexion, un sourire s’ébaucha lentement sur ses lèvres.

— Quelle idée ! dit-il ; si cela pouvait réussir ! Cela me coûterait passablement cher, — promesse vaut dette, disent les niais, — et puis, c’est dangereux. Ne nous décidons pas si promptement ; cela doit être mûrement pesé… Les herbes de l’oncle Jean doivent être cuites… Je réfléchirai encore sérieusement sur ce projet. Mieux vaut, dit-on, un prudent ennemi qu’un maladroit ami. Peut-être la mendiante donnera-t-elle dans le piége de meilleur gré que je ne l’imagine… Allons, je vais porter son déjeuner à l’oncle Jean…

Il ôta le pot du feu, quitta la chambre, et suivit une allée sombre aboutissant à un escalier qu’il monta. Parvenu à l’étage, il prit un long couloir au bout duquel il entra dans la chambre à coucher de l’oncle Jean.

Le malheureux vieillard gisait sur un lit dont la malpropreté eût soulevé le cœur du dernier des mendiants. La maladie avait consumé ses chairs ; ses joues affaissées