Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/475

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ne semblaient soutenues que par les os ; ses yeux profondément enfoncés brillaient d’un éclat vitreux dans leurs orbites ; on n’eût pas même pu nommer pâleur la teinte livide de son visage : c’était l’absence de toute couleur, un ton qui n’a pas de nom, et sur lequel se détachaient, comme un lugubre contraste, des lèvres bleuâtres.

Tout, dans ce misérable réduit, portait le cachet de l’abandon et du dénûment, tout y serrait le cœur d’une inexprimable tristesse. Les hautes murailles voûtées, auxquelles on n’avait pas touché depuis la destruction du couvent, échappaient à la vue, cachées qu’elles étaient sous les teintes noires de la poussière et de la saleté. Du côté du couchant ; le mur était imprégné dé sels saumâtres ; l’eau en suintait et coulait à travers le plancher à demi pourri jusque dans les fondements de l’édifice. Aux abords de cette source impure croissaient mille végétations moisissantes et informes, et le salpêtre suspendait à la voûte ses aiguilles brillantes.

Une seule fenêtre, très-haute, aux vitres brisées, grillée d’épais barreaux de fer, dispensait à la chambre un jour crépusculaire auquel l’œil était obligé de s’habituer avant de pouvoir rien distinguer dans ces demi-ténèbres. Bien qu’au dehors les ardentes chaleurs de l’été calcinassent pour ainsi dire le sol, ici il faisait si froid et si humide qu’on y respirait avec peine. Auprès du lit se trouvaient une chaise et une table ; sur cette dernière on voyait un pot rempli d’eau et une croûte de pain noir qui portait encore les marques des dents qui s’y étaient imprimées. On eût cru, en vérité, voir le cachot d’un prisonnier