Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/477

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pitié ; si vous êtes si sensible, qu’y puis-je faire ? Il faut cependant que je vous soulève, puisque vous ne voulez pas le faire vous-même. Allons, c’est fait ; mangez un peu, et ne vous brûlez pas : c’est encore chaud.

Le vieillard prit la cuiller d’une main tremblante et pêcha quelques feuilles dans le pot en disant :

— Mon Dieu, Mathias, si ces herbes pouvaient me soulager un peu ! je suis si faible… si faible et si malade !

Mathias ne répondit pas à cette doléance, mais il attacha sur le vieillard un regard scrutateur. Bien que le scélérat s’efforçât de dissimuler ses émotions, un sourire de joyeuse surprise se peignit sur son visage ; il se réjouissait du visible affaiblissement du vieillard ; dans ses yeux brillait l’espoir que cela ne durerait plus longtemps.

L’oncle Jean avait mangé une ou deux cuillerées ; il hocha la tête, laissa tomber la cuiller et regarda fixement Mathias dans les yeux d’un air interrogateur ou qui exprimait le reproche.

— Eh bien, qu’y a-t-il ? demanda Mathias.

Le malade répondit avec dégoût :

— Fi ! que c’est mauvais ! cela me brûle la bouche comme du feu et me donne des crampes d’estomac.

— Tout à l’heure vous vous croirez empoisonné ! dit Mathias d’un ton railleur. Le cresson de fontaine brûle toujours ainsi ; c’est cela que vous ne pouvez supporter.

Le vieillard mit son bras à nu et, le montrant à Mathias, lui dit d’une voix suppliante :

— Regarde, Mathias, n’as-tu pas pitié de moi ? regarde, je suis un squelette !