Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/478

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— Allons, allons, répondit l’autre, recouvrez voire bras… que signifie cela ? qui peut ressentir pour vous plus de pitié que moi ? mais la maladie vous rend fou : ne dirait-on pas que vous allez mourir ?

— Ne suis-je donc pas bien malade ?

— Malade oui, mais pas comme vous vous l’imaginez. Vous êtes encore robuste, oncle Jean, ce sont les gens maigres qui vivent le plus vieux ; si cela ne devient pas pire, il n’y a pas de danger…

— Puisses-tu dire la vérité, Mathias ! Un instant de silence suivit ce souhait désespéré.

— Oh ! j’ai si faim ! murmura le vieillard.

— Eh bien, mangez ! répondit Mathias en fourrant la croûte de pain noir dans la main du malade.

— Mathias, je voudrais bien manger autre chose ; ce pain me dégoûte ; on dirait du sable.

— Eh bien, que voulez-vous manger ? Il y a dans le livre beaucoup d’autres herbes qu’on peut essayer.

— Non… de la viande, de la soupe à la viande… Oh ! cela doit être bon ! je tremble quand j’y pense.

Le visage de Mathias s’enflamma de colère. Il se contraignit pourtant et répondit :

— De la viande, de la soupe à la viande ? Ce serait assez pour augmenter tout d’un coup votre maladie et vous faire mourir en un instant… Vous qui n’en avez pas mangé depuis tant d’années.

— Mathias, Mathias, pour l’amour de Dieu, donne-moi de la viande !

— Après cela, vous êtes le maître. Donnez-moi donc de l’argent ; et si cela cause votre mort, vous m’êtes