Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/479

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

témoin que je ne suis pour rien dans cette imprudente gourmandise.

— De l’argent ! grommela le vieillard ; de l’argent ! C’est toujours le premier et le dernier mot.

Il glissa ses mains sous la couverture et parut quelque temps occupé à compter ou à palper des pièces de monnaie. Enfin, il tendit la main vers Mathias et dit :

— Tiens ! va chercher un peu de viande.

— Ah ! ah ! dit Mathias d’une voix ironique et considérant la pièce de monnaie en riant, un stuiver[1] ! De la viande pour un stuiver ! ce serait un beau morceau. On ne donne rien pour si peu. Il me faut vingt cents ou je n’achète pas de viande.

— Ciel ! vingt cents ! Un tout petit peu de viande coûte-t-il vingt cents ? murmura le vieillard avec désespoir. Pourtant ce n’est que pour une fois… Tiens, Mathias… voilà encore quinze cents… et rapporte-moi le reste… Tu obtiendras bien cela pour un stuiver ou du moins pour quelques cents meilleur marché… Les os sont bons aussi pour la soupe, les os ne coûtent pas si cher.

— C’est bon, dit Mathias avec impatience ; s’il y a quelque chose de trop je vous le rendrai.

Il se leva, et il allait quitter la chambre, lorsque l’oncle Jean lui adressa de nouveau la parole :

— Mathias, dit-il, j’oubliais de te demander encore quelque chose.

  1. Pièce de monnaie qui n’est plus en circulation et qui valait la vingtième partie du florin. Le nom de Stuiver a passé dans l’usage aux pièces de dix centimes qui représentent à peu près la même valeur (cinq cents).