Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/494

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de son bienfaiteur, que Catherine se prît à douter si quelques bons instincts n’avaient pas survécu dans son cœur. Que l’oncle fût sérieusement malade, elle ne le croyait pas non plus, car Mathias lui donnait, deux fois par jour, de la viande à rôtir et des pommes de terre à cuire pour le vieillard ; et si celui-ci pouvait prendre cette nourriture substantielle, il devait assurément être encore fort et en assez bon état de santé.

Catherine était dans l’erreur ; si elle eût suivi le fourbe dans les sombres corridors quand il avait l’air de porter son repas à l’oncle Jean, elle l’eût vu faire un détour et aller mettre dans sa propre chambre la fortifiante nourriture. L’oncle Jean ne recevait que des aliments répugnants qui lui soulevaient le cœur, et de préférence il rongeait encore la vieille croûte de pain noir, quelque peu qu’elle pût le restaurer.

À la Vérité, à mesure qu’il sentait la faim le torturer davantage, le vieillard commençait à demander une autre nourriture avec une impatience croissante, et même avec une certaine irritation, mais Mathias savait si bien l’enjôler, ou écoutait si peu ses supplications, que chaque fois le pauvre homme, las et découragé, renonçait à sa prière.

À la fin du troisième jour, au moment où Catherine allait quitter le couvent pour s’aller coucher chez elle, Mathias la pria de revenir encore le même soir, sous prétexte que l’oncle Jean voulait prendre un bain, et que pour cela il faudrait chauffer beaucoup d’eau.

Catherine mit au lit Mariette et se rendit de nouveau au couvent. Mathias lui dit que l’oncle Jean ne voulait