Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/496

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce doute, cette secrète angoisse, la rendirent inquiète. De temps en temps elle se levait et allait sur la pointe des pieds et en marchant avec précaution dans le corridor qui menait à la chambre de l’oncle Jean. Elle demeurait un instant à écouter au pied de l’escalier, mais comme elle n’entendait rien et que tout était tranquille en haut, elle revenait sur ses pas, se rasseyait sous la cheminée et reprenait le cours de ses méditations.


Minuit sonne au clocher du village ; les tristes sons de la cloche résonnent plaintivement et meurent, un à un, dans l’espace, jusqu’à ce que tout retombe dans un morne silence.

Dans la chambre de l’oncle Jean brûle une petite lampe de fer-blanc dont la flamme rougeâtre et fumante jette une triste lueur. Les extrémités de la pièce demeurent dans l’ombre ; la scène est étrange et lugubre ; on ne distingue pas les sombres murailles et l’on pourrait se croire dans un espace immense et sans bornes comme l’infini.

Une partie du lit et de la table voisine tombent seuls sous les sanglants reflets de la lampe. Le vieillard est couché sur le côté, le visage tourné vers la table. Il semble dormir ; pourtant il ouvre de temps en temps les yeux machinalement pour les refermer de même, muet et insensible.

Son visage est affreux ; rien ne reste sur son crâne anguleux et décharné qu’une peau mince et transparente qui paraît collée sur les os ; ses yeux sont vitreux et inanimés, ses lèvres sans couleur. Mais la rouge lueur