Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/498

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sa voix faiblit et ses lèvres se remuent sans articuler de sons. Il dit :

— Une cave, cent mille florins… le vieil avare… je vous donnerai beaucoup, beaucoup… Demain… demain il sera mort… Ôtez cette viande, autrement il se rétablira… de l’eau, du pain… il ne veut pas mourir… la faim l’y aidera… j’ai un testament… patience, il s’en va, il s’en va, il râle, il meurt… ah, ah ! à moi tout son argent…

Le vieillard poussa un cri terrible.

Mathias s’éveilla en sursaut, se dressa tout tremblant, se frotta les yeux et regarda avec stupéfaction l’oncle Jean qui appelait au secours de toutes ses forces et remplissait la chambre de cris d’angoisse et d’épouvante.

Dès que Mathias se fut assuré qu’il n’y avait à craindre aucune attaque de l’extérieur, il comprit la cause de l’effroi du vieillard, et présuma, en se fondant sur sa propre émotion, qu’il avait peut-être parlé en rêvant.

Il laissa pendant quelques instants crier le malade, jusqu’à ce que celui-ci cessât d’épuisement ; en attendant, les bras croisés sur la poitrine, il le contemplait avec un sourire cruel sur les lèvres.

— Eh bien, oncle Jean, dit-il, combien cela durera-t-il ? Faites du bruit, appelez, criez, c’est inutile : personne ne peut vous entendre.

Mais le vieillard plus effrayé encore par l’expression de la physionomie de Mathias, se mit à crier de nouveau au secours, d’une voix désespérée. On eût dit que la peur de la mort avait doublé ses forces ; ses mouve-