Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/51

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gentilhomme se leva brusquement dès que le laquais eut quitté le salon, et essuya deux larmes qui brillaient dans ses yeux. Le notaire lui montra encore les pièces de cinq francs qu’il avait déposées sur le coin de la table ; mais monsieur de Vlierbecke détourna les yeux avec une espèce d’horreur et dit avec précipitation :

— Monsieur le notaire, pardonnez-moi ma hardiesse ; je n’attends plus de vous qu’une grâce…

— Et laquelle ?

— Au nom de ma fille, gardez-moi le secret !

— Quant à cela, vous me connaissez depuis longtemps : soyez sans inquiétude… Vous refusez donc ce léger secours ?

— Merci ! merci ! s’écria le gentilhomme en repoussant la main du notaire, et tremblant, comme si la fièvre l’eût saisi, il sortit du salon et franchit la porte de la rue sans attendre que le domestique vint la lui ouvrir.

Encore étourdi du coup qui venait de le frapper, hors de lui et mourant de honte, la tête penchée sur la poitrine et les yeux fixés sur le sol, le malheureux gentilhomme parcourut pendant quelque temps les rues, sans savoir où il se trouvait. Enfin le sentiment de la nécessité l’éveilla peu à peu de son rêve fiévreux ; il se dirigea vers la porte de Borgerhout et s’enfonça dans les fortifications jusqu’à ce qu’il se trouvât tout à fait seul.

Là une lutte terrible parut s’engager en lui ; ses lèvres s’agitaient rapidement ; sur sa physionomie se succédaient mille expressions diverses de souffrance, de honte et d’espoir. Cependant il tira de sa poche la tabatière d’or, considéra avec une amère tristesse les nobles armoi-