Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/502

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verture et demeura immobile, le corps ramassé, comme pour résister à une agression.

— Ah ! ah ! s’écria Mathias, je le sais bien, tu me donnerais plutôt ton âme que tes clefs ; mais je les aurai, il me les faut ; retiens-les de tes deux mains, je saurai bien te les arracher ! Donne, donne !

Il se jeta sur le malade, et fourra sa main sous la couverture à la recherche des clefs. Il tira, secoua, lutta, frappa, mugit comme un taureau furieux… mais les mains du vieillard se crispaient avec tant de force sur les clefs, que pour les lui enlever il eût fallu lui arracher les bras.

Las, épuisé, retenu peut-être par une pensée terrible, Mathias lâcha les clefs et cessa la lutte. Il se replaça debout devant le lit, et, tout haletant, regarda le vieillard qui avait caché les clefs sous la couverture.

Une transformation qui échappe à toute description s’opéra dans la physionomie de Mathias ; son visage, qui n’exprimait habituellement que la haine et la méchanceté, prit tout à coup une expression si égarée, si sauvage, si infernale, qu’il en devint méconnaissable de rage et de férocité. Ses joues se contractèrent, ses dents grincèrent, une affreuse pâleur décolora son visage, ses cheveux se dressèrent comme les poils de l’hyène. Il cria d’une voix rauque et ardente :

— Ah ! tu ne veux pas me payer ? Tu vis encore ? Eh bien, la mort me paiera !

Il bondit sur le lit comme une bête fauve, s’accroupit sur le malade, posa les deux coudes sur sa poitrine et appuya de manière à l’écraser.