Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/509

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cela brille ! Cela vit d’éclat et de splendeur ! Et combien il y en a ! À la bonne heure, voilà le prix de mon âme ! C’est bien payé ; elle ne vaut pas autant. Ah ! ah ! vivre, jouir, savourer tous les plaisirs, faire le monsieur, avoir des domestiques, manger, boire, aller en équipage, être puissant, être flatté par tous, briser tout ce qui me résiste ou ne s’incline pas jusque dans la poussière devant mon orgueil ! Tout cela gît là… là, dans cet argent inanimé, dans ce métal étincelant ! Oh ! que je le touche, que je le tâte, que je le possède !

Et tout à fait hors de lui il se mit à baigner ses mains dans l’or, en poussant mille exclamations de bonheur, et comptant et recomptant l’argent sans but apparent.

Depuis longtemps il jouissait ainsi dans un complet oubli de toutes choses, quand la lumière de la lampe vint à pâlir. Sa physionomie devint tout à coup soucieuse ; son regard fit avec anxiété le tour du caveau ; il se leva et dit en passant la main sur son front :

— Qu’est-ce ? que viens-je faire ici ? Suis-je fou ? ah ! vite… il me faut cacher cet or ailleurs, pour que personne ne le puisse trouver sauf moi… Vite, la lumière faiblit, il n’y a plus d’huile…

Ce disant, il remplit d’or deux des plus grands sacs, en prit un sous chaque bras, et surchargé ainsi, il gravit l’escalier. Arrivé à la porte, il posa son fardeau sur une marche et mit la clef dans la serrure… Mais il eut beau tourner et retourner, quelque effort qu’il fit, la porte ne bougeait pas ; elle semblait scellée dans le mur tant elle restait inébranlable, bien que le pêne jouât sous la pression de la clef.