Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/539

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— S’il m’appelle encore, comme hier, voleur et lourd paysan, je lui jette mon fléau à la tête, dit un des ouvriers avec colère.

— La cruche voulut lutter avec la pierre, et elle tomba en pièces au premier choc, dit Kobe ironiquement.

— Quant à moi, je me moque de ses gros mots, et je le laisse défiler son chapelet de sottises, dit un second.

— Vous faites au mieux, dit Kobe ; ouvrez vos deux oreilles bien larges, ce qui entre par l’une sort par l’autre, Il faut bien aussi que le baes en ait pour son argent. Donnez-lui raison et faites ce qu’il dit.

— Faire ce qu’il dit ? et si on ne le peut pas ?

— Dans ce cas-là, donnez-lui raison tout de même et ne le faites pas ; ou plutôt ne dites rien, faites comme si vous ne saviez rien de rien, et songez qu’il n’y a rien de mieux que le silence.

— Tout homme est homme ! Je me moque de sa brusquerie. Qu’il commence, et je saurai bien aussi lui montrer les dents ! Il n’a pas le droit de me traiter comme une bête, quoique je ne sois qu’un ouvrier.

— Ce que vous dites est bien vrai, Driesken[1], et pourtant vous frappez à faux, fit observer Kobe : chacun doit connaître sa place dans le monde. Que dit le proverbe ? Êtes-vous enclume, souffrez les coups comme une enclume ; Êtes-vous marteau, frappez comme un marteau. Et puis un bon petit mot brise une grande colère.

  1. André ; prononcez Driskene.