Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/54

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sol engourdi comme un cadavre depuis des milliers d’années.

Glorieux combat de l’homme contre la matière ! Triomphe magnifique qui transformera un jour l’infertile Campine[1] en une contrée féconde et bénie ! En vérité, nos descendants n’y croiront pas lorsque, sous leur regard charmé, le froment ondoiera comme une mer, ou que l’herbe verdoyante s’étendra au fond des vallées, là où le soleil brise maintenant ses rayons dans les prismes d’un sable aride et brûlant !

Cependant, au nord de la ville d’Anvers, dans la direction des frontières hollandaises, on remarque à peine aujourd’hui quelques traces de défrichement. Ce n’est guère que le long de la chaussée qu’on voit l’agriculture empiéter sur la lande sablonneuse ; plus loin, au cœur du pays, tout est encore inculte et sauvage. Là se déroulent, à perte de vue, des plaines arides qui n’ont pour toute végétation que de maigres bruyères, et parfois l’horizon n’est borné que par cette teinte bleuâtre et nuageuse qui dit que le désert s’étend bien au delà de la portée du regard.

Mais si l’on parcourt de grandes distances, on rencontre de temps en temps un ruisseau qui serpente en méandres capricieux et dont l’onde limpide, encadrée d’une verdoyante bordure, court au milieu de fraîches prairies et d’arbres pleins de sève et de vigueur. Le long des rives du filet murmurant ou dans les terrains un peu

  1. On nomme campine les vastes espaces incultes qui s’étendent au nord de la Belgique, des environs d’Anvers jusqu’à Venloo. Le défrichement de la Campine entrepris sur une grande échelle depuis quelques années, donne déjà les plus heureux résultats.