Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/542

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juger sur l’extérieur, et sans avoir égard à sa stupide physionomie, baes Gansendonck ressemblait absolument au baron. Rien d’étonnant en cela ; depuis trois mois déjà il s’évertuait à copier les vêtements que le baron portait d’habitude ; ce à quoi peu de gens avaient fait attention, parce qu’à la campagne le baron vivait sans la moindre gêne et ne portait qu’un costume fort ordinaire.

Mais, quelques semaines auparavant, le baron avait eu une fantaisie. Qui n’en a pas ? Un magnifique caniche lui était mort, et de la peau de l’animal il s’était fait faire un bonnet fourré. Ce joli bonnet avait si bien donné dans l’œil à baes Gansendonck, qu’il s’en était fait confectionner un semblable en ville. Ce bonnet étalait en ce moment ses mille boucles frisées sur la tête du baes du Saint-Sébastien, qui ne pouvait assez s’admirer lui-même dans le miroir depuis la flatteuse exclamation de son domestique.

Il se prépara à sortir.

— Kobe, dit-il, prends ma fourche ; nous allons traverser le village.

— Oui, baes, répondît le domestique en composant sa physionomie, et en suivant son maître sur les talons.

Sur le grand chemin bordé de maisons, ils rencontrèrent beaucoup de villageois qui ôtèrent poliment leur chapeau ou leur casquette à baes Gansendonck, mais qui partaient d’un éclat de rire aussitôt qu’il était passé. Beaucoup d’habitants accoururent aussi sur le seuil de leur demeure ou de leur étable pour admirer le bonnet velu du baes ; celui-ci ne saluait personne le premier, et