Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/543

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s’avançait la tête haute et d’un pas lent et majestueux comme le baron le faisait d’ordinaire. Kobe, la figure niaise en apparence, marchait silencieux derrière son maître, et le suivait dans tous ses mouvements aussi fidèlement, aussi patiemment, que s’il eût fait l’office d’un chien.

Tout alla bien jusqu’en face de la forge ; mais là se trouvait quelques jeunes gens qui conversaient. Dès qu’ils virent apparaître le baes, ils se mirent à rire si haut, qu’on pouvait les entendre dans toute la rue.

Sus[1], le fils du forgeron, connu pour un railleur émérite, se mit à se promener devant la forge la tête en arrière, à pas compassés, et singea si exactement baes Gansendonck que celui-ci crut en crever de dépit. En passant devant le jeune forgeron, il lui lança un regard étincelant en écarquillant les yeux à les faire sortir de l’orbite ; mais le forgeron le considéra avec un rire si provoquant que baes Gansendonck, fou de colère, passa son chemin en grommelant et menaçant, et s’enfonça dans un sentier latéral.

Blaeskaek ! Blaeskaek ! criait-on derrière lui.

— Eh bien, Kobe, que dis-tu de cette canaille de paysans ? demanda-t-il quand son courroux fut un peu tombé. Ça ose se moquer de moi ! me traiter comme un fou ! un homme comme moi !

— Oui, baes ; les mouches piquent bien un cheval, et c’est une bête si grande !

— Mais je les retrouverai, les insolents ! Qu’ils y pren-

  1. Abréviation flamande de François, Franciscus.