Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/556

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Après une longue songerie la séduisante idée d’un bal à la ville parut l’abandonner. Elle s’éloigna de la table et alla se placer devant une glace dans laquelle elle contempla attentivement son image, corrigeant çà et là un pli, et passant la main sur sa tête pour donner plus de lustre à ses beaux cheveux noirs.

Toutefois elle était très-simplement mise ; et l’on n’eût assurément pas pu reprendre grand’chose à sa toilette, si l’odeur de l’étable, les murs enfumés de l’auberge et les pots d’étain du dressoir n’eussent crié de toutes parts que mademoiselle Lisa n’était pas à sa place.

Du reste, sa robe de soie noire tout unie n’avait qu’un seul volant[1] ; elle portait un fichu rose qui s’harmonisait d’une façon charmante avec la douce pâleur de son visage. Elle était coiffée en cheveux, mais en simples bandeaux plats, rattachés en couronne derrière la tête.

Après s’être arrêtée quelques instants devant la glace, elle revint à la table et se mit à broder un col, mais sans y prêter grande attention ; ses regards errants témoignaient assez que sa pensée indécise était loin de son travail. Bientôt, toujours songeuse, elle dit d’une voix presque inintelligible :

— La chasse est ouverte ; les messieurs de la ville vont revenir. Je dois être affable envers eux, dit mon père. Il m’emmènera avec lui en ville pour m’acheter un chapeau de satin. Je ne dois pas demeurer assise et les yeux baissés ; il me faut sourire et regarder les messieurs en face quand ils m’adressent la parole ? Quelles

  1. Ce mot est en français dans le texte, de même que tous les mots en caractères italiques qu’on rencontrera plus loin.