Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/557

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sont les intentions de mon père ? Il dit que je ne sais pas à quoi cela peut être bon… Mais Karel ! Il semble mécontent quand je change trop souvent de toilette ; il souffre quand des étrangers me parlent trop longtemps. Que faire ? Mon père le veut. Je ne puis cependant pas être malhonnête envers les gens ! Mais je ne veux pas non plus faire de chagrin à Karel…

La voix de son père se fit entendre devant la porte ; elle le vit s’incliner et faire des gestes de politesse à trois jeunes gens en habit de chasse. Une vive rougeur couvrit son front. Était-ce désir ou timidité ? Elle passa encore une fois la main sur ses bandeaux noirs et demeura assise comme si elle n’eût rien entendu.

Baes Gansendonck entra avec sa société et s’écria avec joie :

— Voyez, messieurs, voici ma fille. Que dites-vous d’une pareille fleur ? Elle est instruite, elle sait le français, messieurs ; il y a autant de différence entre ma Lisa et une paysanne qu’entre une vache et une brouette.

Le domestique éclata de rire :

— Rustre ! s’écria baes Gansendonck en colère, qu’as-tu là à rire si bêtement ? Va-t’en !

— Oui, baes !

Kobe alla s’asseoir dans le coin du foyer et se mit à humer voluptueusement le parfum du lièvre qui, de l’arrière-cuisine, venait jusqu’à lui en odorantes bouffées. L’œil fixé sur le feu, et la physionomie indifférente en apparence, il écoutait pourtant ce qui se disait autour de lui.

Tandis que Lisa s’était levée et échangeait en français