Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/559

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certaine prédilection pour monsieur Victor, se frottait les mains en riant, et se disait à part lui :

— Personne ne sait, quand le sou est jeté, sur quelle face il tombera, et tout est possible excepté qu’il reste en l’air. Cela ferait un joli petit couple ! — Allons, messieurs, buvez encore un coup. À votre santé, monsieur Van Bruinkasteel ! Continuez de parler français, je vous prie ; ne faites pas attention à moi ; je vois dans vos yeux ce que vous voulez dire.

Les jeunes chasseurs paraissaient s’amuser extrêmement. À la vérité, Lisa ne parlait pas bien le français ; mais toutes les paroles qui sortaient de sa bouche avaient une si ravissante ingénuité, la pudique rougeur qui colorait son front était si charmante, tout en elle avait tant de fraîcheur et d’attrait, que le son seul de sa voix suffisait pour éveiller dans le cœur de douces émotions.

Victor, petit maître expert comme il l’était, eut bientôt trouvé le côté faible du virginal caractère de Lisa. Il lui parla nouvelles modes, belles toilettes, vie de la ville, décrivit avec de splendides couleurs les bals et les fêtes, et sut si bien captiver l’attention de la pauvre fille que celle-ci savait à peine où elle en était.

Peu à peu Victor s’enhardit tellement qu’il alla, tout en causant, jusqu’à prendre, comme par mégarde, la main de Lisa.

Alors seulement la jeune fille parut se réveiller ; toute tremblante elle retira sa main, recula sa chaise, et interrogea d’un regard attristé les yeux de son père. Mais celui-ci, comme égaré par la joie, lui jeta un coup d’œil