Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/560

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de reproche et lui fit signe de la tête de rester assise où elle était.

Le mouvement de répulsion de Lisa surprit Victor ; il détourna la tête pour dissimuler son embarras. Il vit le domestique, debout au coin du foyer, fixant sur lui un regard menaçant qui se mariait à un sardonique sourire.

Il se tourna avec colère vers le baes et demanda :

— Qu’a donc à dire ce maraud pour qu’il ose me regarder si insolemment et se railler de moi ?

— Lui, quelque chose à dire ? vociféra le baes ; vous allez voir ! Kobe !

— Qu’y a-t-il, baes ?

— As-tu regardé insolemment monsieur Van Bruinkasteel ? Oses-tu te moquer de lui, ver de terre ?

— Je ris comme un chien dont on a frotté le museau avec de la moutarde ; je me suis brûlé la main, baes.

— Fi ! tu es encore trop stupide pour danser devant le diable ! Dehors !

— Oui, baes.

Le domestique quitta la chambre à pas traînants et en ôtant son bonnet aussi gauchement qu’un niais.

Un instant après, l’effet de l’audace de Victor était déjà oublié ; les jeunes gens causaient de nouveau galamment en français avec Lisa, et le baes les engageait à venir rendre visite à sa fille ; il y aurait toujours une bouteille de son meilleur vin préparée pour eux. Lisa reprenait goût à l’étourdi bavardage de Victor, et se disait aussi en elle-même qu’un aussi beau langage valait mille fois mieux que la conversation vulgaire et