Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/56

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soin toute société. On croyait dans le pays qu’une avarice ou plutôt une ladrerie inexplicable avait poussé ce gentilhomme, qui possédait de beaux biens au soleil, à se séquestrer ainsi loin du monde. Quant au fermier, il évitait soigneusement toute explication sur ce point et respectait la mystérieuse conduite de son maître. Ses affaires prospéraient, car la terre était fertile et le fermage peu élevé, Il en était reconnaissant envers le gentilhomme, et, chaque dimanche, lui prêtait volontiers un cheval qui, attelé à la vieille calèche, le conduisait avec sa fille, à l’église du village. De plus, dans les grandes circonstances, le jeune fils du fermier était au service du maître en qualité de laquais.

C’est une des dernières après-dînées du mois de juillet, Le soleil a presque accompli sa course quotidienne et s’incline vers l’occident ; toutefois ses rayons, bien que moins ardents qu’à l’heure de midi, sont encore chauds et inondent l’air de brûlantes effluves. Au Grinselhof aussi, les derniers feux du soleil couchant se jouent gaiement dans le feuillage ; tandis que les rayons obliques dorent la cime des arbres de teintes à la fois douces et éclatantes, la verdure prend du côté de l’orient des nuances plus sombres, et le fond des bosquets s’enveloppe d’une mystérieuse obscurité. Des ombres gigantesques s’étendent sur le sol, et après la suffocante chaleur du jour, la brise du soir s’éveille lentement et remplit l’atmosphère de senteurs rafraîchissantes.

Et néanmoins tout est triste au Grinselhof : un silence de mort pèse, comme une pierre sépulcrale, sur l’habi-