Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/562

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Papa, dit Lisa en se reprenant, papa, Karel ne prend-il pas un verre avec nous ?

— Soit, qu’il prenne un verre dans l’armoire ! répondit brusquement le baes.

— Je vous remercie, baes Gansendonck, dit Karel avec un sourire incisif ; le vin ne me plaît pas le matin.

— Non, buvez plutôt de la bière, jeune homme ; cela vous donnera une forte tête ! dit le baes avec un rire moqueur et de l’air d’un homme qui croit avoir dit une chose spirituelle.

Karel était habitué au langage grossier de Gansendonck ; il laissa passer cette sortie comme les autres ; il se préparait à s’asseoir vis-à-vis du domestique à l’autre coin de l’âtre, mais Lisa l’appela auprès d’elle et lui dit :

— Karel, voici une chaise ; asseyez-vous-y et causez un peu avec nous.

Baes Gansendonck regarda sa fille d’un air irrité, et se mordit les lèvres d’impatience. Karel n’en obéit pas moins à l’amicale invitation de Lisa, bien qu’il remarquât la pantomime insultante du père.

— Vous aurez bonne chasse cette année, messieurs, dit-il en flamand en s’asseyant auprès d’Adolphe ; les lièvres et les perdreaux fourmillent.

— En effet, je le crois aussi, répondit Adolphe ; pourtant ce matin nous n’avons pas eu la chance de rien tirer ; les chiens n’ont pas de nez.

— Je me doutais bien, s’écria le baes d’un ton railleur, qu’il viendrait encore fourrer des bâtons dans les roues ! Avec son éternel flamand ! Maintenant vous n’en-