Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/563

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tendrez plus un mot qui ne parle chiens, vaches, chevaux et patates. Laissez-le bavarder, monsieur Van Bruinkasteel et parlez français avec notre Lisa ; j’entends cette langue avec tant de plaisir que je ne saurais trouver d’expression pour vous le dire.

Karel se mit à rire en haussant les épaules et regarda hardiment Victor en face. Ce dernier semblait avoir perdu toute son éloquence, et ne se montrait nullement disposé à poursuivre, en présence de Karel, son galant entretien avec Lisa.

Il y eut un instant de silence contraint. Le baes remarqua avec une sorte de désespoir que M. Van Bruinkasteel commençait à s’ennuyer ; jetant alors un regard de reproche à Karel :

— Monsieur Victor, dit-il, ne prenez pas garde à lui ; c’est notre brasseur et un ami de la maison. Mais il n’a rien à dire ici, quoiqu’il s’imagine avoir tiré le numéro un. Continuez, monsieur Van Bruinkasteel ; j’entends que ma fille soit aimable pour vous, et qu’elle sourie quand vous lui parlez. Si le brasseur veut faire mauvaise mine, il peut aller la faire dehors.

Encouragé par ces paroles et voulant peut-être vexer le jeune brasseur, Victor se pencha vers Lisa et tout en lui parlant, lui lança une de ces œillades que l’on se permet dans la haute société vis-à-vis d’une femme de la vertu de laquelle on n’a pas haute idée.

Karel pâlit, se mit à trembler, ses dents se serrèrent convulsivement ; mais il comprima aussitôt ces témoignages de souffrance et de colère. Néanmoins chacun s’en était aperçu. Victor en était tout ému, non qu’il eût res-