Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/566

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— Non, il faut me le dire.

— Eh bien ! je n’aime pas que les jeunes écervelés de la ville viennent étaler devant vous leurs fades compliments. Il s’y glisse si facilement des choses inconvenantes ; et en tout cas, ces belles manières françaises et ces galantes œillades me prouvent qu’ils ne s’approchent pas de vous avec le respect que mérite une femme.

Une sorte d’impatience mêlée de tristesse se peignit sur les traits de la jeune fille.

— Vous êtes injuste, Karel, dit-elle d’un ton de reproche ; ces messieurs ne m’ont rien dit qui fût inconvenant. Au contraire, en les écoutant, j’apprends comment il faut se tenir et parler pour ne pas passer pour une paysanne.

Karel baissa silencieusement la tête, et un douloureux soupir s’échappa de sa poitrine.

— Oui, je le sais, poursuivit Lisa, que vous détester les gens et les façons de la ville ; mais, quoi que vous pensiez là-dessus, il est impossible que je me montre impolie. Vous avez bien tort, Karel, de vouloir me forcer à haïr des gens qui méritent plus d’estime que les autres.

La jeune fille avait prononcé ces mots avec une certaine amertume. Karel, assis vis-à-vis d’elle et toujours silencieux, la regarda fixement et avec une étrange expression. Elle sentit qu’il était en proie à une vive douleur, bien qu’elle ne pût comprendre comment ses paroles à elle lui causaient une si profonde tristesse. Elle prit la main de son ami, la pressa d’une sympathique étreinte et reprit :