Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/577

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se levant. Voyez, Karel, le beau fusil de chasse ? Le chien est tellement rouillé qu’un cheval même ne l’armerait pas, et le canon en est chargé depuis vingt ans et trois mois ! Tel maître, tel fusil !

— Allons, Kobe, dit le brasseur au domestique qui marchait à côté de lui, dites-moi un mot de consolation. Comment cela va-t-il là-bas ?

— Pomme pourrie que je ne sais par quel côté entamer, Karel. Les choses vont de travers : le baes, fou de joie, ne sait plus ce qu’il fait ; il rêve tout haut barons et châteaux, il court jusqu’à trois fois par jour chez le notaire.

— Pourquoi ? Qu’est-ce que cela signifie ? demanda Karel avec émotion.

— Il dit que Lisa va épouser d’ici à peu de temps monsieur Van Bruinkasteel.

Le brasseur pâlit et regarda le domestique avec une douloureuse surprise.

— Oui, poursuivit Kobe, mais le jeune baron ne sait rien de l’affaire et n’y songe pas.

— Et Lisa ?

— Lisa non plus.

— Ah ! dit Karel en respirant comme si un rocher venait de tomber de sa poitrine, Kobe, vous m’avez fait mal !

— Si j’étais à votre place, reprit Kobe, je voudrais voir clair là-dedans ; quand on laisse trop pousser la mauvaise herbe, elle finit par étouffer le plus beau grain. Vous ne venez jamais au Saint-Sébastien qu’après que monsieur Van Bruinkasteel est parti ; vous restez des