Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/578

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demi-journées entières assis auprès de Lisa, et triste à émouvoir les pierres. Si Lisa vous demande la cause de votre tristesse, vous lui dites que vous êtes malade, et elle vous croit.

— Mais, Kobe, que puis-je faire ? Au moindre mot que je touche de cette affaire, elle se met à fondre en larmes ! Elle ne me comprend pas.

— Larmes de femme sont à bon marché, Karel ; je n’y ferais pas grande attention ; il est trop tard pour combler le puits quand le veau s’y est noyé. Un chien ne reste pas longtemps attaché avec des saucisses.

— Que voulez-vous dire ? balbutia le jeune homme épouvanté. Soupçonnez-vous Lisa ? Craignez-vous qu’elle… ?

— Si je savais qu’un cheveu de ma tête eût une mauvaise idée de Lisa, je l’arracherais. Non, non, Lisa est innocente dans l’affaire. Elle s’imagine aussi, la pauvre fille, que ces cajoleries et ce langage français ne sont que les belles manières. Et quand, par amour pour vous, elle accueille le baron avec froideur, notre baes intervient et la force de se montrer aimable. Monsieur Van Bruinkasteel doit être bien bon ; car le baes lui jette Lisa dans les bras dix fois par semaine !

— Comment ! dans les bras ? s’écria Karel d’une voix sombre.

— C’est seulement une manière de parler, poursuivit Kobe ; si vous ne me comprenez pas, tant mieux !

— Que faut-il faire ? que faut-il faire ? s’écria Karel avec désespoir et en frappant du pied la terre.

— Cela n’est pas caché sous le sable que vous battez,