Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/581

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ne peut pas être, monsieur Van Bruinkasteel aime trop bien Lisa pour dire pareille chose !

Karel s’était cramponné au tronc d’un jeune sapin ; sa poitrine se soulevait violemment ; sa respiration se perdait en un lugubre et guttural sifflement ; ses yeux étincelaient d’un feu sombre sous ses sourcils abaissés. Ce que le domestique lui avait chuchoté à l’oreille devait avoir fait à son cœur une affreuse blessure, car il tremblait comme un roseau et rugissait comme un lion.

Soudain il tendit vers le domestique son poing convulsivement serré, et s’écria tout hors de lui :

— Ah ! c’est donc un assassinat que tu me conseilles, démon ?

Kobe épouvanté fit quelques pas en arrière, et balbutia :

— Çà, Karel, est-ce pour rire ou non que vous faites si vilaine figure ? Je ne vous ai fait aucun mal. Si vous aimez mieux voir mes talons, vous n’avez qu’à le dire : un bonjour, tout est fini, et chacun va son chemin.

— Reste ici ! cria le brasseur.

— Ouvrez les mains alors, répondit Kobe, je n’aime pas les poings fermés.

Karel baissa de nouveau les yeux et demeura quelque temps immobile, sans regarder le domestique. Enfin, il releva la tête et demanda d’une voix tremblante :

— Kobe, Victor Van Bruinkasteel est-il à cette heure au Saint-Sébastien ?

— Oui, mais… oui, mais… s’écria le domestique avec angoisse, vous n’irez pas vous, Karel ; dussé-je me battre avec vous, je vous en empêcherai tant qu’il me restera