Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/585

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un lugubre sifflement s’échappa de la gorge contractée du jeune homme, et il entra dans l’auberge.

À son apparition dans la chambre, chacun se leva effrayé ou surpris : Lisa jeta un perçant cri d’angoisse et tendit vers Karel des bras suppliants ; le baron le regarda en face d’un air fier et interrogateur ; le baes frappait impatiemment du pied et grommelait des injures en lui-même.

Un instant Karel demeura, comme hors de sens, la main appuyée sur une chaise ; il tremblait au point que ses jambes menaçaient de se dérober sous le poids de son corps ; son visage était pâle comme un linge ; des frémissements nerveux et convulsifs couraient sur son front et sur ses joues ; en somme, son aspect devait être terrible, car le baron, quelque courageux qu’il fût d’ailleurs, pâlit aussi et fit quelques pas en arrière pour se mettre hors de la portée du brasseur furieux. Baes Gansendonck seul semblait encore se railler de Karel, et le contemplait avec un sourire de dédain.

Soudain le jeune homme lança au baron un regard brûlant de haine et de vengeance ; le baron, choqué, s’écria d’un ton arrogant :

— Çà, que signifie cet enfantillage ? Savez-vous à qui vous avez affaire ? Je vous défends de me regarder aussi insolemment.

Le brasseur poussa un cri sourd, son poing se crispa sur le dossier de la chaise, et sans aucun doute il allait en frapper le baron à la tête, mais, avant qu’il eût eu le temps de faire ce mouvement, Lisa s’élança vers lui et enlaça ses bras au col de Karel en pleurant à chaudes