Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/587

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fini d’un seul coup, ou je te montrerai qui est maître ici.

Un sourire amer crispa le visage de Karel. Il suivit le baes dans une autre chambre ; celui-ci ferma la porte en dedans, et muet, l’œil plein de menace, il se planta devant le brasseur, qui s’efforçait visiblement de réprimer son émotion et de ressaisir le calme nécessaire à son but dans cette entrevue souhaitée.

— Faites laide mine tant que vous voudrez, dit le baes, je me ris de vos lubies. Vous allez me dire, et un peu vite, qui vous donne le droit de venir dans ma maison pour y faire l’insolent vis-à-vis du monde ! Croyez-vous peut-être avoir acheté ma fille ?

— Ne m’irritez pas, pour l’amour de Dieu, dit Karel d’une voix suppliante, laissez-moi revenir un peu à moi, je raisonnerai avec vous ; et si vous ne voulez pas me comprendre, je m’en irai et ne remettrai jamais le pied sur votre seuil.

— Voyons, je suis curieux de vous entendre ; je sais quelle chanson vous allez me chanter, mais cela ne réussira pas : vous frappez à la porte d’un sourd !

À cette ironie, la colère emporta de nouveau Karel ; il dit d’une voix rapide et avec des gestes saccadés :

— Mon père vous a secouru, vous a sauvé de la ruine ! Vous lui avez promis à son lit de mort que Lisa serait ma femme ; vous avez encouragé notre amour…

— Les temps changent et les hommes aussi…

— Maintenant que vous avez hérité d’un peu de boue, de cette boue qu’on nomme argent, maintenant vous voulez non-seulement briser, comme un ingrat, votre parole solennelle, mais encore vous souillez l’honneur