Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/589

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ironique, je ne savais pas que votre chanson eût autant de notes. Elle n’épousera pas le baron ? C’est ce que nous verrons ! Vous viendrez à la noce si vous voulez bien vous conduire. Mettez-vous l’amour hors de la tête, Karel, c’est ce que vous pouvez faire de mieux ; autrement cela pourrait bien vous faire du mal. Tout en restant notre ami, ne venez plus à la maison, car vous devez comprendre que le baron va désormais passer pour ainsi dire toute la journée ici, et vous vous trouveriez dans son chemin ; il n’est pas homme à hanter beaucoup les paysans.

— Ainsi la vue de ma mortelle douleur n’a aucun pouvoir sur vous ? Il viendra encore la cajoler, la tromper par ses perfides paroles, célébrer dans ses chansons le désir et la passion, remplir le cœur de ma Lisa d’un venin qui doit tuer tout sentiment de chasteté et d’honneur ?


— Du venin ? Qu’est-ce à dire ? Parce que vous êtes incapable d’en faire autant. Voilà comme les paysans parlent toujours des messieurs de la ville ; ils crèvent d’envie quand ils voient quelqu’un qui connaît les belles manières et la politesse. Maîtrisez votre cœur, mon garçon ; vous continueriez que cela ne servirait à rien. Le baron viendra comme par le passé, et Lisa deviendra une grande dame. Vous vous casseriez la tête que cela n’y ferait pas plus qu’une mouche dans la chaudière de votre brasserie. J’ai le droit de faire dans ma maison et de ma fille ce que je veux, et personne n’a celui d’y mettre le nez, vous moins que tout autre !

— Le droit ! s’écria Karel avec un rire amer, le droit