Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/59

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tête languissante. Ces fleurs devaient être l’objet d’une affection particulière, car toutes étaient liées à un soutien en bois blanc et soigneusement préservées de l’invasion des mauvaises herbes. Le choix des fleurs, les soins enfantins dont elles étaient entourées, une espèce de délicate sollicitude qui se sent, mais ne s’exprime pas, tout témoignait qu’une main de femme, — une main de jeune fille, — élevait et choyait ces favorites.

La jeune fille avait remarqué de loin qu’elles s’inclinaient épuisées et flétries ; elle s’approcha pleine d’anxiété, et dit en relevant de la main le calice d’un œillet :

— Ô mon Dieu, mes pauvres petites fleurs ! j’ai oublié hier de vous arroser ! Vous avez soif, n’est-ce pas ? Vous languissez en m’attendant, et vous courbez la tête comme si vous alliez mourir !

Elle poursuivit, rêveuse :

— Mais aussi depuis hier je suis si distraite, si joyeuse, si…

Elle baissa les yeux, et hésitant comme par pudeur, elle murmura d’une voix douce :

— Gustave !

Immobile comme une statue, seule avec une vision enchanteresse, elle oublia un instant les fleurs et peut-être avec elles le monde entier. Bientôt ses lèvres s’émurent et murmurèrent à demi-voix :

— Toujours, toujours son image devant mes yeux ! toujours sa voix qui me poursuit ! Impossible d’échapper à cette fascination ! Mon Dieu, que se passe-t-il en moi ? Mon cœur frémit dans ma poitrine ; tantôt le sang