Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/591

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Karel se leva ; son visage avait subi une complète transformation. La tension de ses nerfs avait disparu ; ce fiévreux élan d’énergie l’avait épuisé, l’impuissance de ses paroles lui avait ravi tout courage. Suppliant et les mains jointes, il s’avança vers le baes, et, les yeux humides, lui dit :

— Ô Gansendonck, ayez pitié de moi, de Lisa ! Soyez sûr que j’en mourrai… Par la mémoire de mon père, je vous en conjure, ouvrez les yeux. Donnez-moi votre fille en mariage avant que son nom soit tout à fait déshonoré. Je la rendrai heureuse, je l’aimerai, je la soignerai et travaillerai pour elle comme un esclave ! J’aurai pour vous la vénération, l’obéissance, l’amour d’un fils, et vous servirai comme un valet !

En voyant Karel s’humilier si bas devant lui, le baes en eut quelque pitié, et répondit :

— Karel, je ne veux pas dire que vous ne soyez pas un bon garçon, et que ma Lisa n’aurait pas en vous un bon mari.

— Ô Baes, pour l’amour de Dieu, supplia le jeune homme en lui adressant un regard brillant d’espérance, ayez compassion de moi ! Donnez-moi Lisa pour femme ! J’accomplirai vos moindres désirs avec la soumission d’un enfant : je vendrai la brasserie, j’irai habiter un château, je quitterai mon rang de paysan, je changerai complètement ma vie !

— Cela ne peut plus se faire, mon cher Karel ; il est trop tard.

— Et si vous saviez que je dois bien sûrement en mourir ?