Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/592

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— Cela me ferait vraiment peine, mais je ne puis vous forcer à demeurer en vie.

— Ô Gansendonck ! s’écria le jeune homme en levant les mains au ciel et tombant à genoux, laissez-moi l’espérance ! Ne me tuez pas !

Le baes le releva et reprit :

— Mais vous perdez la tête, Karel ; je n’y puis plus rien faire. Songez donc combien les choses sont déjà avancées ; demain nous allons dîner au pavillon chez monsieur le baron ; il donne une fête en l’honneur de Lisa.

— Elle ? elle, ma Lisa au château du baron ? Oh ! vous allez perdre son honneur à tout jamais ! Il n’y a pas une seule femme au château !

— Elle va faire connaissance avec la résidence de chasse de son futur mari.

— Ainsi, plus d’espoir ! À elle le déshonneur, à moi la tombe ! s’écria le brasseur avec horreur et la voix pleine de sanglots ; tandis qu’il portait les mains devant ses yeux et qu’un torrent de larmes coulait sur ses joues.

— Je vous plains, Karel, dit le baes d’un ton indifférent. Lisa sera une grande dame. Cela est écrit là-haut ; et cela sera…

Il prit doucement par les épaules Karel désespéré, et le poussa vers la porte en disant :

— Allons, cela a duré assez longtemps, et cela ne peut d’ailleurs servir à rien. Retournez chez vous… et plus un mot à Lisa, entendez-vous ?

Karel se laissa pousser en avant, docile, et muet. Sa tête affaissée penchait vers la terre, des larmes abon-