Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/595

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leur pain que du pain de froment ! C’est ainsi qu’on tombe du trèfle aux joncs ; mais le proverbe dit bien vrai : Donnez de l’avoine à un âne, il courra aux chardons !

Kobe, avec une anxiété feinte ou réelle, dit d’un ton suppliant :

— Oh ! baes, j’ai si mal au ventre ! Je ne sais ce que je dis ; il faut me pardonner : votre pantalon vous va aussi bien que s’il était peint sur vos jambes.

— Ah ! tu as mal au ventre ? demanda le baes avec intérêt. Ouvre la petite armoire là-bas et bois un coup d’absinthe. Ce qui est amer à la bouche est sain pour l’estomac.

— Oui, baes ; vous êtes trop bon, baes, répondit Kobe en se dirigeant vers l’armoire.

— Donne-moi ma cravate, dit le baes, et avec précaution, pour ne pas la chiffonner.

Tout en continuant de s’habiller et de s’ajuster, il parlait tout songeur :

— Eh ! Kobe, comme les paysans vont rester bouche béante, en me voyant passer avec un gilet blanc, un jabot bot de dentelle et des gants jaunes ! Dieu sait s’ils ont jamais rien vu de pareil en leur vie ! J’avais demandé avec adresse à monsieur Van Bruinkasteel comment les messieurs qui savent leur monde s’habillent quand ils vont dîner dehors ; et en quatre jours on m’a confectionné tout cela en ville, Avec de l’argent, on fait plus que des merveilles, on fait des miracles. Et Lisa, elle leur fera sortir les yeux de la tête avec les six volants de sa robe de soie !