Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/596

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— Six volants, baes ? La dame du château n’en porte elle-même que cinq, et encore faut-il que ce soit dimanche.

— Si Lisa voulait faire selon mon goût, elle en porterait bien dix : quand on est bien dans ses affaires, il faut le montrer, et qui peut payer peut acheter. Tu la verras passer devant les paysans comme une vraie dame, Kobe, avec un chapeau de satin sous lequel il y a des fleurs comme celles qui fleurissent l’hiver au château.

— Des camélias, baes ?

— Oui, des camélias. Pense un peu, Kobe, ils avaient en ville mis sur le chapeau de Lisa des épis de blé et des fleurs de sarrasin ; mais j’ai fait bien vite ôter cette garniture de paysanne. Donne-moi mon gilet, mais sans le toucher avec les mains.

— C’est là un art que je n’ai pas appris, baes.

— Imbécile, je veux te dire de le prendre avec l’essuie-main.

— Oui, baes.

— Dis-moi, Kobe, me vois-tu assis à table au château ? Lisa entre moi et monsieur le baron ? Nous entends-tu faire des compliments et dire de belles choses ? Nous vois-tu boire toutes sortes de vins extraordinaires et manger du gibier préparé avec des sauces dont le diable lui-même ne retiendrait pas les noms ? et cela dans des plats dorés et avec des cuillers d’argent ?

— Oh ! baes, taisez-vous, s’il vous plaît ; j’en ai l’eau à la bouche !

— Il y a bien de quoi, Kobe ; mais je ne veux pas être seul heureux ; il reste encore la moitié du lièvre d’hier ;