Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/601

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— Qu’est-ce qui vous a retenu si longtemps, monteur Gansendonck. J’avais peur qu’il ne vous fût arrivé quelque chose. Nous vous attendons depuis plus d’une heure déjà.

— C’est la faute de Lisa, répondit le baes ; je lui avais fait faire une belle robe neuve et un chapeau de satin ; mais je ne sais ce qu’elle a en tête, elle ne veut pas mettre d’habits neufs.

— Elle a raison, monsieur Gansendonck ; elle est, certes, toujours assez charmante.

— De beaux habits ne gâtent pourtant rien, monsieur Victor.

Lisa descendit, et salua le baron avec une froide politesse. Ses yeux attestaient sa tristesse, et il était facile de voir qu’elle avait pleuré. Elle portait sa robe de soie ordinaire, à un seul volant, et un bonnet de dentelle de la forme de ceux qu’on porte en ville, et que l’on nomme cornettes.

Elle passa avec intention son bras sous celui de son père, et voulut l’attirer vers la porte ; mais le baes se dégagea et s’éloigna d’elle comme pour inviter le baron à être le cavalier de sa fille.

Monsieur Victor ne parut pas s’en apercevoir ; peut-être croyait-il inconvenant pour Lisa et pour lui-même de traverser le village bras dessus bras dessous.

Après quelques façons pour savoir qui passerait le premier la porte, on quitta l’auberge. Le baes fit de nécessité vertu, et se mit en route avec sa fille. Chemin faisant, il dit avec aigreur :

— Vois-tu bien, fille entêtée ? Si tu avais ta belle robe