Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/606

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colère ; Lisa obéit, et commença à chanter avec le baron ; le piano les accompagnait ; Lisa disait :

Ah ! pitié, mon trouble est extrême,
Dites, je vous aime,
Je vous aime !


Le feuillage des seringats frémit comme sous l’effort d’un coup de vent…

Baes Gansendonck avait pour ainsi dire perdu la tête d’orgueil ; son visage rayonnait et était pourpre de contentement ; il se frottait continuellement les mains, et parlait si librement, si hardiment et si souvent, que celui qui ne l’eût pas connu l’aurait sans aucun doute pris pour le propriétaire du château. Debout près du piano, il balançait la tête, frappait de son pied lourd la mesure à contre-temps sur le parquet ciré, et disait de temps en temps à sa fille :

— Plus fort ! Plus vite ! C’est bien ainsi ! Bravo !

Il ne sentait pas qu’Adolphe, son ami, et jusqu’à Victor lui-même, le prenaient pour point de mire de leurs plaisanteries ; il regardait au contraire le rire moqueur des jeunes gens comme une marque d’approbation et d’amitié.

À peine le chant était-il fini qu’Adolphe, qui était assis au piano, promena un instant ses doigts sur le clavier, et commença une valse si sautillante, si entraînante de rhythme et de mélodie, que le baes se sentit excité à danser, et se dressa en effet sur la pointe des pieds comme s’il allait bondir autour de la salle. — Danser ! danser ! s’écria-t-il, notre Lisa le fait avec