Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/607

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une telle perfection, qu’on voudrait l’enlever rien qu’à lui voir bouger le pied ! Allons, Lisa, montre un peu ce que tu as appris dans ton pensionnat !

Lisa, qui déjà s’était vue avec chagrin contrainte à chanter, voulut s’éloigner du piano pour éluder cette fois l’ordre de son père ; mais celui-ci la ramena au milieu du salon, et fit un signe d’encouragement au baron.

Celui-ci, en veine de légèreté et de bonne humeur, s’élança, passa le bras autour de la taille de la jeune fille, et l’entraîna de façon à lui faire faire malgré elle cinq ou six pas.

Un cri sourd monta du buisson de seringats, cri lugubre et douloureux comme le dernier soupir d’un lion mourant. À l’intérieur, on était beaucoup trop occupé pour remarquer cette exclamation de douleur.

Comme Lisa se refusait absolument à danser et se laissait traîner de mauvaise grâce, monsieur Van Bruinkasteel dut renoncer à son projet. Il s’excusa poliment auprès de la jeune fille confuse, et ne parut frappé ni de sa visible tristesse ni de son refus. Le jeune freluquet s’amusait ; vraisemblablement il ne voyait en Lisa Gansendonck qu’une charmante et naïve jeune fille qui l’aidait à passer agréablement son temps. Si un sentiment plus vif l’eût porté vers elle, assurément la froideur de la jeune fille l’eût mécontenté ou attristé ; mais il ne parut pas même y faire la moindre attention. Il s’inclina galamment, offrit son bras à Lisa, qui cette fois n’osa le refuser, et dit aux autres :

— Allons faire un tour de promenade au jardin jusqu’à ce que les lumières soient allumées ! Ne trouver pas