Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/609

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s’élancer du buisson de seringats et à anéantir le séducteur ; mais chaque fois l’image de sa mère suppliante se dressait sous ses yeux ; et lui, ballotté entre la vengeance qui l’excitait et les conseils plus calmes de l’amour filial, sentait gronder en lui les voix déchirantes de la douleur et du désespoir. En proie à cette rage comprimée, il haletait de fureur sous les seringats, et son ardente respiration brûlait ses narines dilatées.

Tout à coup la voix caressante du baron retentit de nouveau à quelques pas de lui. Il vit Lisa, muette et le visage attristé, s’avancer au bras du gentilhomme ; ils suivaient le sentier qui longeait le buisson de seringats et conduisait plus loin à la sombre charmille.

À deux pas de l’endroit où Karel, retenant son haleine et en proie à une anxieuse attente, épiait leurs moindres mouvements, Lisa remarqua seulement la sombre entrée de la voûte verdoyante. Elle supplia le baron de rejoindre son père avec elle, et lorsque le jeune homme, pressant plus fortement son bras et se moquant de ses craintes, l’engagea à s’aventurer dans l’allée, elle se prit à trembler comme un roseau et pâlit d’effroi. Le baron parut ne pas s’apercevoir de cette émotion, ou crut peut-être que c’était une terreur simulée. Quoi qu’il en fût, il voulut, tout en plaisantant, entraîner de force la jeune fille vers l’allée, et y réussit jusqu’à un certain point.

— Mon père ! mon père ! dit Lisa en poussant un déchirant cri d’angoisse.

Un autre cri plus terrible encore allait s’échapper de son sein… Mais avant que ses lèvres eussent eu le temps