Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/614

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du diable ? Ces gueux de paysans sortent de la forge, et courent après moi en criant : Au scandale ! au scandale ! Si je n’avais craint de me salir les mains en touchant cette canaille, je crois que j’eusse avec ma fourche cassé la tête à une demi-douzaine. Mais Sus paiera pour tous ces vauriens ? Je lui apprendrai à jeter de la boue à baes. Gansendonck ! Nous verrons comment cela finira. Dussé-je y perdre la moitié de mon bien, il faut une expiation terrible. Les gendarmes s’en mêleront ; et si quelqu’un ose encore me faire mauvaise mine, je fais comparaître la moitié du village devant le tribunal. J’ai assez d’argent pour cela, et monsieur Van Bruinkasteel, qui est l’ami du procureur du roi, fera bien en sorte qu’ils soient mis à l’ombre pour quelques mois. Ils verront alors et sauront à qui ils ont affaire, les impudents coquins. Il faut une fin à tout cela, et puisqu’ils ont osé me provoquer si insolemment, je serai sans pitié aussi, et leur ferai sentir ce que peut baes Gansendonck ! Non, c’en est fait, plus de grâce !

À Coup sûr, le baes eût continué longtemps encore d’exhaler sa rage sur ce ton, si l’haleine ne lui eût fait défaut. Tout haletant, il se laissa tomber sur une chaise, et son œil s’arrêta avec colère et surprise sur le domestique qui, avec la plus complète indifférence, regardait le feu comme s’il n’eût rien entendu ; ses traits n’exprimaient pas autre chose que la tristesse.

— Qu’as-tu encore à regarder là comme un imbécile qui ne sait pas compter jusqu’à trois ? Ta vie de paresse te gâte, Kobe ; je ne sais, mais tu deviens indolent et mou comme un véritable porc. Cela me déplaît ; j’entends que