Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/615

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mon domestique soit vif et décidé, et ne demeure pas froid quand je suis fâché.

Kobe contempla son maître avec un douloureux sourire de pitié.

— Ah ! tu as encore mal au ventre ! s’écria le baes ; ça commence à me lasser. T’imagines-tu que le Saint-Sébastien soit un hôpital ? Je ne veux pas que tu aies mal au ventre ! Tu n’as qu’à manger un peu moins, avide glouton que tu es ! Allons, parleras-tu, oui ou non ?

— Je parlerais bien volontiers, répondit Kobe, si je ne savais qu’au premier mot vous me fermeriez la bouche pour faire une sortie et chanter votre éternelle litanie.

— Quel ton prends-tu là ? Dis tout net que je suis un assommant bavard : ne te gêne pas, Kobe ; ils tombent tous sur le corps de baes Gansendonck, Pourquoi ne jetterais-tu pas aussi la pierre à celui qui te donne à manger ?

— Voyez-vous bien ? dit Kobe en souriant tristement ; je n’ai pas dit deux mots, et vous voilà lancé à califourchon sur votre dada ! Je me garderais bien de vous dire une parole offensante, mais reconnaissez avec moi, baes, que bien leste serait l’araignée qui filerait sa toile sur votre bouche…

— Je suis le maître, je puis parler seul aussi longtemps qu’il me plaît.

— En effet, baes ; permettez-moi donc de me taire, dussé-je en suffoquer.

— Te taire ? non, je ne le veux pas : tu parleras ; je suis curieux de voir ce qui peut sortir de bon d’une sotte tête comme la tienne.