Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/617

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— Eh bien, écoutez-moi un instant seulement, Lisa était depuis longtemps promise en mariage à Karel, qui est un bon garçon, bien qu’il ait commis une imprudence…

— Un bon garçon ? s’écria le baes. Comment ! tu l’appelles bon garçon, lui qui, comme un assassin, vient attaquer et battre comme plâtre monsieur Van Bruinkasteel dans son propre château ?

— Le meilleur cheval bronche parfois.

— Ah ! tu appelles cela broncher ? ah ! c’est un bon garçon ? Tu paieras cher ce mot-là. Ton pain blanc est mangé ; tu quitteras la maison aujourd’hui même.

— Mon paquet est déjà fait, baes, répondit Kobe froidement ; mais avant que je parte vous entendrez ce que j’ai sur le cœur. Vous l’entendrez, dussé-je pour cela vous poursuivre dans la campagne, dans la rue, dans votre chambre. C’est mon devoir, et la seule reconnaissance que je puisse vous témoigner. Que vous me renvoyiez, cela ne me surprend pas ; qui dit la vérité nulle part n’est hébergé.

Baes Gansendonck trépignait d’impatience, mais ne disait plus mot ; le ton grave et décidé de son domestique le troublait et le dominait.

— Notre Lisa, poursuivit Kobe, eût été heureuse avec Karel ; mais vous, baes, vous avez amené le renard dans votre poulailler ; vous avez attiré chez vous un jeune fat, vous l’avez excité à remplir les oreilles de votre fille de fades compliments, à lui parler d’un amour feint, à lui chanter des choses contraires à toute modestie…

— Ce n’est pas vrai ! grommela le baes.