Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/618

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— Vous avez voulu qu’il parlât français à votre fille. Pouviez-vous comprendre ce qu’il disait, vous qui n’en savez pas un mot ?

— Et toi, vaurien, le comprends-tu, toi qui en parles si résolûment ?

— J’en comprends assez, baes pour m’être aperçu que le diable de la volupté et de la tromperie était en jeu. Quelle a été la suite de votre imprévoyance ? Faut-il vous le dire ? L’honneur de votre fille est souillé, non pas sans rémission, mais il l’est assez dans l’opinion des gens pour qu’il ne puisse jamais reprendre sa pureté première ; Karel, le seul homme qui l’aimât véritablement et qui pût la rendre heureuse, dépérit consumé par le désespoir ; sa mère est au lit malade du chagrin de son unique enfant ; vous, baes, vous êtes haï et méprisé par chacun. On dit que vous serez la cause de la mort de Karel, du déshonneur de votre fille, de votre propre malheur.

— Oui, quand on veut tuer un chien, on dit qu’il est enragé ; mais ils n’ont à se mêler en rien de mes affaires ! cria le baes avec colère ; cela ne les regarde pas, je fais ce qui me plaît ! Et toi, insolent maraud, je t’apprendrai aussi à mettre le nez dans ce qui ne te regarde pas.

— Cela m’est parfaitement égal que mes paroles vous plaisent ou non, baes, répondit Kobe ; ce sont les dernières que je prononcerai au Saint-Sébastien.

Il fallait que baes Gansendonck, malgré ses menaces, tînt infiniment à son domestique et craignit de le voir partir ; car chaque fois que celui-ci annonçait froi-