Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/620

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— Cela n’est pas nécessaire.

— Ah ! vous l’avez alors sans doute interrogé sur ses intentions ?

— Cela n’est pas nécessaire non plus.

— Le baron en a-t-il parlé à Lisa ?

— Quel enfantillage dis-tu là, Kobe ? Il ira sans doute demander l’assentiment de Lisa, sans savoir si moi, qui suis seul maître, je consens au mariage ? Les choses ne se passent pas ainsi !

— Non ! Mais le baron s’est moqué de vous et de votre fille quand le docteur lui a demandé, au cimetière, en présence de dix personnes au moins, si vraiment il voulait épouser Lisa.

— Que dis-tu là ? monsieur Van Bruinkasteel s’est moqué de moi ?

— Il a demandé au docteur s’il s’imaginait qu’un baron comme lui pût épouser la fille d’un aubergiste de village ; et comme on lui disait que vous-même aviez déjà consulté le notaire sur les conditions du contrat, il s’est écrié : Lisa est une brave fille, mais son père est un vieux fou qui devrait être à Gheel[1] depuis longtemps.

Ces dernières paroles firent bondir le baes de colère, comme si on venait de lui marcher sur le pied.

— Qu’oses-tu dire ? cria-t-il d’une voix menaçante ; je devrais être à Gheel ! Que te prend-il ? Perds-tu l’esprit, insolent ? Ah ! c’est bien vrai : chien enragé mord jusqu’à son maître !

— Je vous répète ce qu’une dizaine de personnes

  1. Gheel est un village de la Campine où l’on envoie les fous pour y être soignés.