Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/621

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assurent avoir entendu. Vous êtes libre de ne pas le croire si vous voulez : à quoi bon…

— Oui, oui, achève : à quoi bon des lunettes au hibou qui ne veut pas voir ! Je ne sais comment il se fait que je ne t’empoigne pas par les épaules et ne te flanque pas à la porte.

— À quoi bon la lumière pour qui ferme les yeux ? poursuivit Kobe. Le baron s’est moqué de vos espérances en d’autres circonstances encore…

— Non, non, ce que tu vas dire n’est pas vrai : ce ne peut pas être vrai. Tu ajoutes foi aux calomnies de gens envieux qui crèvent de rage de ce que j’ai plus d’argent qu’eux, et de ce qu’ils prévoient bien que Lisa sera une grande dame, en dépit de ceux qui sont jaloux d’elle.

— Quand l’aveugle rêve qu’il voit, il voit ce qui lui plaît, dit Kobe en soupirant. S’il n’y a pas d’onguent qui guérisse votre blessure, je n’y puis rien non plus, et je dis avec le proverbe : chacun fait sa soupe comme il veut la manger ; suivez votre goût, et faites le mariage demain.

— Inventions de méchants envieux, et rien de plus !

— Le docteur ne vous porte pas envie, baes ; c’est un homme grave et prudent, qui seul peut-être de tout le village est resté votre ami. Lui-même m’a engagé à vous mettre, bon gré malgré vous, le danger sous les yeux.

— Mais le docteur est trompé, Kobe ; on lui a fait accroire des faussetés. Il ne peut en être autrement, te dis-je. Ce serait beau que le baron n’épousât pas Lisa !

— Il ne faut pas compter sur le poulet à naître de l’œuf qui n’est pas pondu, baes.