Page:Conscience - Scenes de la vie flamande.djvu/624

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Tous deux bondirent, émus et effrayés, et coururent vers la chambre où se trouvait Lisa.

La jeune fille était debout près de la fenêtre et regardait dans la rue. Ce qu’elle voyait devait être terrible, ses lèvres se contractaient convulsivement sur ses dents serrées ; ses yeux tout grands ouverts semblaient sortis de l’orbite, et un frisson d’effroi parcourait ses membres. À peine baes Gansendonck était-il au milieu de la chambre qu’un nouveau cri aussi déchirant que le premier retentit ; — Lisa leva les deux mains au ciel et tomba lourdement à la renverse sur le plancher.

Le baes se jeta à genoux à côté d’elle en se lamentant.

Kobe courut à la fenêtre et jeta un regard au dehors. Il pâlit et se mit à trembler aussi ; les larmes jaillirent de ses yeux ; ce qu’il vit le frappa d’une telle stupeur qu’il ne prêta aucune attention aux cris par lesquels baes Gansendonck demandait du secours.

Dans la rue, devant la porte même de l’auberge, Karel, les mains liées derrière le dos, suivait entre deux gendarmes le chemin de la ville ; une vieille femme se traînait en gémissant derrière lui et arrosait de larmes brûlantes la trace des pas de son malheureux fils. Le forgeron Sus s’arrachait les cheveux et était à demi fou de colère et de douleur. Beaucoup, de paysans et de paysannes suivaient la tête basse, la physionomie attristée. Plus d’un tablier essuyait une larme de pitié. On eût dit un convoi funèbre escortant jusqu’à la tombe un mort bien-aimé.