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IX


Quand un âne se trouve sur un terrain ferme, il n’a rien de plus pressé que de se risquer sur la glace, où il se casse la jambe.



À peine baes Gansendonck eut-il fini de dîner que, suivant le conseil de son domestique, il se mit en route pour aller interroger le baron sur ses projets. Ne voulant pas passer devant la forge, il sortit par la porte de derrière de l’auberge, et prit un sentier qui devait le conduire, à travers des sapinières et des champs déserts, au pavillon de chasse de monsieur Van Bruinkasteel.

La physionomie de baes Gansendonck n’exprimait nullement la tristesse, bien que depuis le matin sa fille fût au lit en proie à une violente fièvre nerveuse ; au contraire, une certaine satisfaction rayonnait sur son visage, et de temps en temps il souriait d’un sourire aussi ouvert et aussi triomphant que s’il se fût réjoui d’une victoire remportée. À la mobilité de ses traits et aux expressions diverses qui s’y succédaient, on pouvait s’apercevoir que tout en marchant, il se berçait de rêves agréables et s’abandonnait complaisamment au cours des espérances et des illusions. Depuis quelque temps déjà il murmurait en lui-même, et des gestes trahissaient seuls la préoccupation de son âme. Mais peu à peu les séduisantes contemplations auxquelles il s’abandonnait l’entraînèrent si loin que sa voix s’éleva de plus en plus, et bientôt il dit tout haut :